Devons-nous étonner que les soignants s’engagent massivement dans les débats environnementaux ? De nombreuses initiatives émergent à travers le monde pour porter la voix de la santé planétaire. A travers de nombreux axes, ces mouvements amènent un vrai message d’engagement et d’espoir pour les générations futures. Cet article va tente de brosser en diagonales quelques acteurs-clés à travers le monde qui travaillent à rendre le système de santé plus vertueux et résilient sur les enjeux climatiques.
Le constat
Si vous n’avez jamais vécu cette expérience, je vous encourage à vous inscrire à une fresque du climat : un atelier interactif qui permet de poser les bases des causes du dérèglement climatique et ses conséquences. Les liens avec la santé vous sauteront aux yeux : augmentation des maladies vectorielles telles que la malaria, la dengue ou la chikungunya dans le sud de la France, insécurité alimentaire à la suite de sècheresses ou inondations, entrainant famine et migration massive, inondations et canicules annuelles… Le système de soin doit se préparer à faire face à ces enjeux.
La première ligne
Selon la WONCA (Organisation mondiale des médecins de famille), le médecin généraliste devrait devenir un vrai pilier en termes de communication et d’éducation à l’environnement. Il cumule de nombreux « avantages » : le médecin de famille jouit d’une position en première ligne dans la protection de la santé, et est considéré comme une des sources d’information les plus fiables par la population. Il possède un bon capital confiance, sait adapter son discours aux réalités de ses patients. Il a une vision transversale des problématiques, une bonne connaissance du tissu social d’une région, il peut être attentif aux co-morbidités, aux projets de grossesse. Il a également une bonne connaissance des enjeux de terrain, de l’habitat, des fragilités d’une région (distribution spatiale des maisons de repos, des pharmacies, des patients fragiles…). Enfin, il incarne une certaine pluralité et neutralité politique et est en dehors de conflits d’intérêts. Les médecins sont conscients de cela et l’ont exprimé au sein de la WONCA en 2019. Ils ont émis 8 pistes d’actions prioritaires pour la première ligne, résumé ci-dessous :
Ils en appellent à agir dès maintenant pour maintenir la santé de la planète et de ses patients.
De nombreux autres organisations de santé se mobilisent sur le sujet
Le Collège de Médecine Générale en France a développé un projet en santé planétaire et en a fait un de ses projet centraux. Avec des outils à disposition en ligne, des affiches à disposer en salle d’attente, des actions de sensibilisation sur la promotion d’une alimentation équilibrée et de saison, sur l’impact d’une mauvaise gestion des médicaments, sur la réduction des déchets au cabinet, la rationalisation des trajets, etc.
Health Care Without Harm est une association internationale qui travaille pour transformer plus profondément le secteur de la santé pour diminuer son empreinte écologique, et l’ancrer dans une dynamique de durabilité. Ils travaillent sur différentes thématiques comme : les déchets médicaux, les médicaments, les liens climat et santé, les produits chimiques etc. Ils ont par exemple publié un rapport sur “Comment imaginer un système de soins de santé sans plastique?”. Ils organisent très régulirement des webinaires sur ces sujets, qui sont accessibles en ligne.
L’alliance pour la santé planétaire (the Planetary Health Alliance) est un consortium de plus de 300 universités, associations, ou centre de recherche qui explorent les enjeux de changement climatique et ses impacts sur la santé. Leur site web est truffé de ressources : un inventaire des associations actives dans le domaine, un livre « Planetary Health » véritable syllabus des enjeux, mais aussi une proposition de cadre pour mieux enseigner les thématiques de santé-environnement.
Mais le secteur spécialisé aussi se mobilise. En pédiatrie, c’est l’International Pediatric Association qui a lancé un groupe de travail il y a plus de 20 ans déjà, pour travailler sur les questions environnementales. En 2005, un institut a vu le jour, le International Pediatric Environmental Health Leadership Institute, avec pour mission de mieux préparer les pédiatres aux enjeux environnementaux.
L’hôpital pédiatrique de Boston a lui créé un centre de santé environnemental, qui prend en charge tous les enfants et adolescent qui ont été exposés à des produits toxiques comme le plomb, l’arsenic, les pesticides, le mercure, les solvants, des peintures etc… Leur expertise particulière est complétée par des projets de recherches en pédiatrie environnementale. Par exemple : comment le plomb affecte les populations pédiatriques selon leur âge ? Comment traiter une intoxication au mercure en pédiatrie ? À quelles expositions sont confrontés les adolescents déjà sur le marché du travail ? Quelles sont les connaissances manquantes des autres professionnels de santé au sujet de la pédiatrie environnementale ? Comment faire de la promotion à la santé-environnementale en pédiatrie ? Leur site internet regroupe également des ressources éducatives autour du changement climatique Comment réagir en cas d’inondation, de canicule, d’apparition de maladies infectieuses, et comment s’y préparer au mieux.
Et nous dans tout ça ?
Avec la SSMG (Société Scientifique en Médecine Générale), soutenue par la COCOM, nous développons depuis quelques années des projets de formations.
Un programme « Médecin relais » à destination des soignants en première ligne, et un programme « AHIMSA » à destination des services de gynécologie, pédiatrie et néonatologie à l’hôpital. Ces deux formations en plusieurs modules ont pour but d’accompagner les soignants et acteurs de la santé aux enjeux du changement climatiques et à l’impact des perturbateurs endocriniens et autres polluants chimiques sur la santé.
Des projets de thèse et de travail de fin d’étude sont également régulièrement soutenus, comme « Quelles actions concrètes un médecin généraliste peut-il mettre en place pour ancrer sa pratique dans une dynamique de transition ? »
Une dizaine de e-learning est également disponible en ligne (métaux lourds, air extérieur, bruit, changement climatique, moisissures, multi-expositions, perturbateurs endocriniens, problématiques locales, produits chimiques…). Il y a deux liens différents pour se connecter, car ces modules sont accrédités pour les médecins : Pour les médecins Pour le grand public
A destination des professionnels de santé, We Link Care est une plateforme de partage de savoir pratiques et théoriques en santé. Une section environnement existe et rassemble des mini-webinaires ou des capsules vidéo de vulgarisation pour se former sur la question. Par exemple : Impact carbone des inhalateurs et comment les prescrire ? ou encore Les perturbateurs endocriniens, qu’est-ce que c’est ?
Bref, les initiatives ne manquent pas, et à travers le monde c’est un véritable réseau de professionnels de santé qui s’engagent dans ces thematiques. N’hésitez pas à parcourir ces ressources et à en user autour de vous !