L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) ont récemment publié un rapport démontrant que quelque 152 millions de bébés sont nés avant terme au cours de la dernière décennie. Ces naissances prématurées représentent un problème de santé publique majeur, avec des taux de mortalité infantile inquiétants. Mais les facteurs qui contribuent à cette « urgence silencieuse » sont multiples et parfois méconnus.
Prématurité et phtalates
En effet, une étude publiée dans le Journal of American Association (JAMA) (1) a récemment confirmé un lien direct entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, tels que les phtalates, et les accouchements prématurés. Ces substances chimiques omniprésentes dans notre environnement moderne, présentes dans de nombreux produits du quotidien tels que les plastiques, les cosmétiques, les détergents et les matériaux de construction, sont considérées comme des perturbateurs endocriniens.
L’étude américaine, a rassemblé 16 études qui ont suivi 6 045 femmes enceintes, dont 9% ont accouché avant terme. Les résultats ont montré que plus de 96% des échantillons d’urine prélevés contenaient des métabolites de phtalates, et des concentrations plus élevées de ces substances étaient associées à un risque accru d’accouchement prématuré, atteignant jusqu’à 16%.
En France, le nombre de naissances prématurées est estimé à 60 000 pour un taux de 8%. Selon des chercheurs, une réduction de 50% de l’exposition aux phtalates permettrait d’éviter 7 200 naissances prématurées par an.
Face à cette réalité préoccupante, il est urgent que des mesures soient prises pour réduire l’exposition de la population à ces perturbateurs endocriniens. Le Réseau Environnement Santé a dernièrement demandé une mission Flash au gouvernement, une action rapide et coordonnée nécessaire pour atteindre rapidement une diminution significative de l’exposition à ces substances chimiques, permettant ainsi d’obtenir des gains de santé conséquents.
Mais pas que…
Outre les phtalates mentionnés dans l’étude précédente, plusieurs autres perturbateurs endocriniens sont également associés à une augmentation du risque de prématurité. (2)
Bisphénol A (BPA) : Le BPA est largement utilisé dans la production de plastiques, de résines époxy et de revêtements de boîtes de conserve et de canettes. Cette méta-analyse a montré que l’exposition au BPA pendant la grossesse peut être liée à un risque accru de prématurité et de complications néonatales. (3,4)
Retardateurs de flamme bromés (BFR) : Les BFR sont des substances chimiques utilisées pour réduire le risque d’incendie des matériaux, notamment dans les produits électroniques, les meubles, les textiles et les matériaux de construction. Des études ont suggéré une corrélation entre l’exposition aux BFR pendant la grossesse et le risque accru d’accouchements prématurés. (5)
Perfluorés : Les perfluorés sont des substances chimiques utilisées pour rendre les produits résistants à l’eau, aux graisses et aux taches, des imperméabilisants. Ils se trouvent dans les revêtements antiadhésifs, les textiles imperméables et les emballages alimentaires. Des recherches ont indiqué que l’exposition aux perfluorés pourrait être associée à une augmentation du risque de prématurité et de plus petit poids de naissance. (6–8)
Métaux lourds : Certains métaux lourds tels que le plomb, le mercure et le cadmium peuvent également agir comme perturbateurs endocriniens et avoir des effets néfastes sur le développement du fœtus et les naissances prématurées. (9,10)
Pesticides : Certains pesticides, notamment les organochlorés et les organophosphorés, ont été associés à des effets perturbateurs endocriniens et pourraient être liés à une augmentation du risque de prématurité chez les femmes exposées pendant la grossesse. (11)
Conclusion
La recherche sur les liens entre les perturbateurs endocriniens et la prématurité est encore en cours et que les mécanismes exacts ne sont pas toujours complètement compris. Néanmoins, il est essentiel de sensibiliser aux risques de ces substances chimiques et de prendre des mesures pour réduire l’exposition pendant la grossesse afin de protéger la santé des futures mères et de leurs bébés.
La prématurité est un enjeu de santé publique croissant, avec une hausse notable ces dernières années. Il est essentiel que les autorités et la société dans son ensemble prennent conscience des risques liés aux perturbateurs endocriniens et agissent de manière proactive pour protéger la santé des bébés à naître et des futurs enfants. Une meilleure prévention et une sensibilisation accrue sont les clés pour lutter contre cette « urgence silencieuse » et garantir un avenir plus sain pour les générations futures.
Bibliographie
1. Welch BM, Keil AP, Buckley JP, Calafat AM, Christenbury KE, Engel SM, et al. Associations Between Prenatal Urinary Biomarkers of Phthalate Exposure and Preterm Birth: A Pooled Study of 16 US Cohorts. JAMA Pediatr. 1 sept 2022;176(9):895‑905.
2. Kolan AS, Hall JM. Association of Preterm Birth and Exposure to Endocrine Disrupting Chemicals. Int J Mol Sci. 19 janv 2023;24(3):1952.
3. Namat A, Xia W, Xiong C, Xu S, Wu C, Wang A, et al. Association of BPA exposure during pregnancy with risk of preterm birth and changes in gestational age: A meta-analysis and systematic review. Ecotoxicol Environ Saf. 1 sept 2021;220:112400.
4. Zhang Y, Mustieles V, Williams PL, Wylie BJ, Souter I, Calafat AM, et al. Parental preconception exposure to phenol and phthalate mixtures and the risk of preterm birth. Environ Int. juin 2021;151:106440.
5. Peltier MR, Koo HC, Getahun D, Menon R. Does Exposure to Flame Retardants Increase the Risk for Preterm Birth? J Reprod Immunol. févr 2015;107:20‑5.
6. Yu Y, Qin XD, Bloom MS, Chu C, Dai X, Li QQ, et al. Associations of prenatal exposure to perfluoroalkyl substances with preterm birth: A family-based birth cohort study. Environ Res. nov 2022;214(Pt 1):113803.
7. Padula AM, Ning X, Bakre S, Barrett ES, Bastain T, Bennett DH, et al. Birth Outcomes in Relation to Prenatal Exposure to Per- and Polyfluoroalkyl Substances and Stress in the Environmental Influences on Child Health Outcomes (ECHO) Program. Environ Health Perspect. mars 2023;131(3):37006.
8. Gardener H, Sun Q, Grandjean P. PFAS concentration during pregnancy in relation to cardiometabolic health and birth outcomes. Environ Res. janv 2021;192:110287.
9. Asefi Y, Gohari Mahmoudabad A, Habibian Sezavar A, Mirshahvaladi S, Abyadeh M, Abyareh M. Association between maternal cadmium exposure and preterm birth: a meta-analysis. Int J Environ Health Res. mars 2022;32(3):628‑37.
10. Fisher M, Arbuckle TE, Liang CL, LeBlanc A, Gaudreau E, Foster WG, et al. Concentrations of persistent organic pollutants in maternal and cord blood from the maternal-infant research on environmental chemicals (MIREC) cohort study. Environ Health. déc 2016;15(1):59.
11. Ling C, Liew Z, von Ehrenstein OS, Heck JE, Park AS, Cui X, et al. Prenatal Exposure to Ambient Pesticides and Preterm Birth and Term Low Birthweight in Agricultural Regions of California. Toxics. 21 juill 2018;6(3):41.