Le bio est-il meilleur pour la santé ?
11 mai 2021
Sarah De Munck

L’alimentation biologique est une alternative qui se répand dans nos supermarchés, décrite comme plus saine, vertueuse pour la santé et la planète. Néanmoins, y a-t-il vraiment moins de pesticides dans les aliments bio ? Et ont-ils déjà prouvé un quelconque bénéfice sur la santé ? Nous allons investiguer cela dans cet article.

De nous jour, le label le plus répandu sur l’usage de pesticide en agriculture c’est le label biologique. C’est sur celui-ci que sont basées toutes les études sur le bio.

Quelques généralités autour de l’alimentation labellisée biologique

Il y a moins de pesticides sur les aliments biologiques

Ce rapport de l’EFSA montre qu’on retrouve 44% de résidus de pesticides sur les aliments non-bio, versus 6.5% sur les aliments biologiques. Ils ontégalement regardé les limites maximales de résidus. Il y a 1.2% de dépassement dans le conventionnel alors qu’on est à 0.2% de dépassement dans le biologique. (« The 2014 European Union Report on Pesticide Residues in Food », 2016)

Il y a donc effectivement moins de résidus de pesticides dans le bio par rapport au non bio. Premiere bonne nouvelle.

NB : La question des seuils est intéressante et est traitée dans d’autres articles. Peut-on vraiment déterminer un seuil sous lequel il n’y aurait aucun risque ? La réponse est non, et s’explique scientifiquement par des effets sur la santé qui ne respectent pas de seuils. On parle de dose réponse non-monotone, et d’effets sans seuils. Ces limites ne sont donc pas suffisantes pour garantir la sécurité des aliments.

On ingère moins de pesticides lorsqu’on mange bio

Il existe une corrélation inverse entre une alimentation biologique et la quantité de métabolites urinaires de pesticides organophosphorés, de pyréthrinoides qui a été mise en évidence en 2019 sur une cohorte française (Baudry et al., 2019).

Cette autre étude interventionnelle a montré qu’en passant à une alimentation biologique, on diminue effectivement la présence de métabolites urinaires (Hyland et al., 2019)

Donc, lorsqu’on mange plus d’aliments biologiques, on retrouve moins de pesticides dans nos urines. Encore une bonne nouvelle

La composition des aliments biologique est plus bénéfique

Les aliments cultivés en biologique ont une teneur plus favorable en polyphénols (Barański et al., 2014). La viande a également des meilleurs taux d’oméga-3 (Średnicka-Tober et al., 2016), et on retrouve également moins de cadmium ou de nitrates (Mie et al., 2017).

Cette étude de Srednicka nous amène à questionner ce qui va réellement impacter la qualité nutritionnelle de la viande. L’explication proposée par les auteurs est qu’une pratique agricole bio entraine une alimentation différente (en terme de composition de céréales, animaux plus longtemps pâturées… ). Ce n’est pas juste le zéro-pesticide qui impacte la composition en oméga-3 dans ce cas-ci. Cela illustre bien la complexité des modèles qui sont étudiés

Impact sur la santé

Il existe une avalanche d’études qui montrent un bénéfice santé de l’alimentation biologique.

Durant la grossesse

Cette étude a mesuré l’exposition durant la grossesse aux polluants organiques persistants (POP), évalué via biomonitoring sur des échantillons sanguins et ils ont observé une amélioration des tests cognitifs des enfants à 4ans chez les mamans les moins imprégnées en POP. (Kyriklaki et al., 2016)

Une plus grande proportion d’aliments bio durant la grossesse, évalué par questionnaire sur une cohorte de 35 000 participants, est associée à une baisse des malformations urologiques chez les enfants (hypospadias). (Brantsæter et al., 2016)

Une autre étude sur 1 400 participantes enceintes montre que le fait de manger bio est associé à un meilleur BMI, a moins de diabète de grossesse et à moins d’hypertension chez la maman. (Simões-Wüst et al., 2017)

Troubles métaboliques

Dans cette cohorte rassemblant 8 000 participants aux Etats-Unis, ils ont observé une baisse de 20% du diabète de type 2 chez les personnes achetant proportionnellement plus d’aliments bio que le reste de la population. (Sun et al., 2018)

L’équipe française de la cohorte Nutri-Net (62 000 participants) a montré une baisse de 31% de diabète de type 2 chez les personnes mangeant le plus d’aliments bio. (Baudry et al., 2018)

Cette autre étude a calculé que lorsqu’on augmente de 5% les aliments biologiques dans son assiette, on diminue de 3% de risque de diabète de type 2. (Kesse-Guyot et al., 2020)

Fertilité

Une hausse de la consommation de légumes ayant de plus grand taux de résidus de pesticides a été associé à une moindre qualité du sperme et à moins de grossesses menées à terme. (Wesselink et al., 2020)

Cancer

Une cohorte de 62 000 personne en France a montré qu’une alimentation riche en produits bio est associé à une baisse du risque de cancer.(Baudry et al., 2018) Ils ont calculé que le risque d’avoir un cancer qui peut être attribué à un antécédent familial de cancer est de 8.9%, et  que celui qui peut être attribué à une alimentation non bio est de 6.7% ! En d’autres termes, passer à une alimentation biologique permettrait de réduire le risque de cancer de 6.7%, un chiffre superposable au risque surajouté par des antécédents familiaux.

Pour terminer ce tsunami d’études, cette revue systématique de la littérature retrouve, chez les personnes mangeant le plus d’aliment bio, une diminution de l’incidence d’infertilité, de malformations congénitales, de sensibilisation allergique, d’otite, de pré-éclampsie, de syndrome métabolique et de lymphome non-hodgkinien. (Vigar et al., 2019)

Les limites de ces études

Les limites évidentes de ces études sont évidemment les biais de sélection des participants qui mangent bio.  En épidémiologie, il est important de comparer des pommes et des pommes.

Est-ce que les personnes qui mangent bio n’ont pas un meilleur équilibre alimentaire ? Une meilleure hygiène de vie ? Font-ils plus attention à leur santé ? Font-ils plus de dépistages et ont donc moins de cancer ? Font-ils plus de sport ? Fument-ils moins ? Finalement, est-ce bien la partie « biologique » de leur alimentation qui est bénéfique pour la santé ?  Toutes ces questions sont légitimes et importantes à prendre en compte. S’il on observe moins de cancer chez les personnes qui mangent bio par rapport aux autres mais qu’également elles fument moins et font plus de sport, ce n’est pas l’alimentation bio qui protège mais bien le fait de ne pas fumer et de faire du sport.

Tous ces éléments sont ce qu’on appelle des « facteurs confondants ». C’est ce qui risque de fausser le résultat d’une étude. Ces facteurs confondants sont évidemment au maximum pris en compte. Par exemple, ans l’étude de Baudry sur le risque de cancer lié à l’alimentation biologique, les chercheurs ont utilisé des questionnaires détaillés incluant entre autre: l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, l’état civil, le niveau d’éducation, les revenus, l’usage de compléments alimentaires, l’activité physique, le tabac, la présence de maladies chroniques… Ils ont également utilisé le score mPNNS-GS. Ce score est un score d’adéquation aux recommandations nutritionnelles françaises (Les personnes suivant parfaitement les recommandations nutritionnelles ont 20/20, celles les suivant un peu moins auront 14/20…)

Cette étude a donc pris en compte tous ces facteurs c’est-à-dire qu’ils ont comparés les personnes ayant des profils similaires (fumeur ou non, même revenu professionnel, même adéquation aux recommandations nutritionnelles…) SAUF pour la proportion d’aliments biologiques.  Afin de voir quelle différence de santé est attribuable au bio en lui-même. Et la différence reste en faveur du biologique.

Malgré tout, on ne peut évidemment pas tout inclure dans un questionnaire, aussi détaillé soit-il. Aussi, ces résultats ne permettent pas encore d’apporter une preuve formelle, mais peuvent déjà nous donner des indices quant à des pratiques de santé probablement favorables.

Augmenter la proportion d’aliments biologiques dans son assiette peut être donc être une pratique favorable de santé, qui peut être encouragée.

L’agriculture bio en question

Il est important de rappeler qu’on ne peut pas mettre toute l’agriculture conventionnelle dans le même sac. Il existe une infinité de variations autour des agricultures pratiquées. L’agriculture labellisée biologique représente 10% de la surface de production en Wallonie et 3% de la production totale. (CORDER asbl- Comité régional PHYTO, 2017)

Le reste des pratiques se divise schématiquement en 3 : les plus intensives (estimé à 17% des agriculteurs) aux raisonnés (71% des agriculteurs) et les écologiquement intensive (utilisent le minimum de pesticides, 9% des agriculteurs). (Antier et al., s. d.) Sans compter les petits producteurs qui ne sont pas labellisés bio, qui fonctionnent en circuit-cout.

Il ne faut pas oublier également le rôle que ces pesticides ont joué dans l’essor agricole. En 40 ans, nous avons triplé la production mondiale de céréales, grâce à la mécanisation et l’utilisation de ces produits phytosanitaires. (Antier et al., s. d.)

L’évaluation précise des risques liés à l’utilisation de ces pesticides est une priorité, en tant que société, et devrait inclure les externalités négatives de santé, ainsi que le cout économique d’une transition vers le bio. Ces questions sont très pertinemment soulevées par l’équipe de Philippe Baret sur leur site qui est une vraie mine d’or d’informations : www.sytra.be

Sources

Antier, C., Petel, T., & Baret, P. (s. d.). Etat des lieux et scénarios à horizon 2050 de la filière des céréales en Région wallonne. 66.

Barański, M., Srednicka-Tober, D., Volakakis, N., Seal, C., Sanderson, R., Stewart, G. B., Benbrook, C., Biavati, B., Markellou, E., Giotis, C., Gromadzka-Ostrowska, J., Rembiałkowska, E., Skwarło-Sońta, K., Tahvonen, R., Janovská, D., Niggli, U., Nicot, P., & Leifert, C. (2014). Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops : A systematic literature review and meta-analyses. The British Journal of Nutrition, 112(5), 794‑811. https://doi.org/10.1017/S0007114514001366

Baudry, J., Assmann, K. E., Touvier, M., Allès, B., Seconda, L., Latino-Martel, P., Ezzedine, K., Galan, P., Hercberg, S., Lairon, D., & Kesse-Guyot, E. (2018). Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk : Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Internal Medicine, 178(12), 1597. https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2018.4357

Baudry, J., Debrauwer, L., Durand, G., Limon, G., Delcambre, A., Vidal, R., Taupier-Letage, B., Druesne-Pecollo, N., Galan, P., Hercberg, S., Lairon, D., Cravedi, J.-P., & Kesse-Guyot, E. (2019). Urinary pesticide concentrations in French adults with low and high organic food consumption : Results from the general population-based NutriNet-Santé. Journal of Exposure Science & Environmental Epidemiology, 29(3), 366‑378. https://doi.org/10.1038/s41370-018-0062-9

Brantsæter, A. L., Torjusen, H., Meltzer, H. M., Papadopoulou, E., Hoppin, J. A., Alexander, J., Lieblein, G., Roos, G., Holten, J. M., Swartz, J., & Haugen, M. (2016). Organic Food Consumption during Pregnancy and Hypospadias and Cryptorchidism at Birth : The Norwegian Mother and Child Cohort Study (MoBa). Environmental Health Perspectives, 124(3), 357‑364. https://doi.org/10.1289/ehp.1409518

CORDER asbl- Comité régional PHYTO. (2017). Estimation quantitative des utilisations de produits phytopharmaceutiques par les differents secteurs d’activité.

Hyland, C., Bradman, A., Gerona, R., Patton, S., Zakharevich, I., Gunier, R. B., & Klein, K. (2019). Organic diet intervention significantly reduces urinary pesticide levels in U.S. children and adults. Environmental Research, 171, 568‑575. https://doi.org/10.1016/j.envres.2019.01.024

Kesse-Guyot, E., Rebouillat, P., Payrastre, L., Allès, B., Fezeu, L. K., Druesne-Pecollo, N., Srour, B., Bao, W., Touvier, M., Galan, P., Hercberg, S., Lairon, D., & Baudry, J. (2020). Prospective association between organic food consumption and the risk of type 2 diabetes : Findings from the NutriNet-Santé cohort study. The International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 17(1), 136. https://doi.org/10.1186/s12966-020-01038-y

Kyriklaki, A., Vafeiadi, M., Kampouri, M., Koutra, K., Roumeliotaki, T., Chalkiadaki, G., Anousaki, D., Rantakokko, P., Kiviranta, H., Fthenou, E., Bitsios, P., Kyrtopoulos, S. A., Kogevinas, M., & Chatzi, L. (2016). Prenatal exposure to persistent organic pollutants in association with offspring neuropsychological development at 4years of age : The Rhea mother-child cohort, Crete, Greece. Environment International, 97, 204‑211. https://doi.org/10.1016/j.envint.2016.09.012

Mie, A., Andersen, H. R., Gunnarsson, S., Kahl, J., Kesse-Guyot, E., Rembiałkowska, E., Quaglio, G., & Grandjean, P. (2017). Human health implications of organic food and organic agriculture : A comprehensive review. Environmental Health: A Global Access Science Source, 16(1), 111. https://doi.org/10.1186/s12940-017-0315-4

Simões-Wüst, A. P., Moltó-Puigmartí, C., Jansen, E. H., van Dongen, M. C., Dagnelie, P. C., & Thijs, C. (2017). Organic food consumption during pregnancy and its association with health-related characteristics : The KOALA Birth Cohort Study. Public Health Nutrition, 20(12), 2145‑2156. https://doi.org/10.1017/S1368980017001215

Średnicka-Tober, D., Barański, M., Seal, C., Sanderson, R., Benbrook, C., Steinshamn, H., Gromadzka-Ostrowska, J., Rembiałkowska, E., Skwarło-Sońta, K., Eyre, M., Cozzi, G., Krogh Larsen, M., Jordon, T., Niggli, U., Sakowski, T., Calder, P. C., Burdge, G. C., Sotiraki, S., Stefanakis, A., … Leifert, C. (2016). Composition differences between organic and conventional meat : A systematic literature review and meta-analysis. The British Journal of Nutrition, 115(6), 994‑1011. https://doi.org/10.1017/S0007114515005073

Sun, Y., Liu, B., Du, Y., Snetselaar, L. G., Sun, Q., Hu, F. B., & Bao, W. (2018). Inverse Association between Organic Food Purchase and Diabetes Mellitus in US Adults. Nutrients, 10(12). https://doi.org/10.3390/nu10121877

The 2014 European Union Report on Pesticide Residues in Food. (2016). EFSA Journal, 14(10), e04611. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2016.4611

Vigar, V., Myers, S., Oliver, C., Arellano, J., Robinson, S., & Leifert, C. (2019). A Systematic Review of Organic Versus Conventional Food Consumption : Is There a Measurable Benefit on Human Health? Nutrients, 12(1). https://doi.org/10.3390/nu12010007

Wesselink, A. K., Hatch, E. E., Rothman, K. J., Willis, S. K., Orta, O. R., & Wise, L. A. (2020). Pesticide residue intake from fruits and vegetables and fecundability in a North American preconception cohort study. Environment International, 139, 105693. https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.105693