FAQ : Des médecins répondent à vos questions sur les pesticides !
17 janvier 2024
Sarah De Munck

Les pesticides, c’est quoi ?

Les pesticides sont des produits phytopharmaceutiques qui sont utilisés pour protéger les végétaux contre les organismes nuisibles ou pour assurer leur conservation.

Quand on parle de pesticides, on se réfère à plusieurs centaines de molécules différentes. Parler DES pesticides en général, c’est comme parler DES médicaments, incluant les antidouleurs, les chimiothérapies et les crèmes pour la peau : les mécanismes d’action sont différents, certains sont plus toxique, ont une plus longue rémanence dans l’environnement et peuvent avoir des cibles différentes.  Ils sont d’ailleurs utilisés par les agriculteurs un peu comme des médicaments, pour contrôler les maladies qui affectent les cultures ou contrôler les nuisibles comme des insectes, ou les mauvaises herbes.

Quels effets sur l’environnement ?

Toujours comme des médicaments, lorsqu’on utilise des pesticides, une partie peut être emportée dans l’environnement : portés par les vents, par les eaux de pluie et contaminer les cours d’eau ou s’accumuler dans le sol.

Chaque pesticide peut provoquer des dégâts très différents comme de la fragilisation des coquilles d’œufs d’oiseaux ou perturber le développement des abeilles, ou féminiser les amphibiens et les poissons. (1–3)

Quels effets sur la santé humaine ?

Les pesticides peuvent pénétrer l’organisme 

  • par contact direct avec la peau : ce sont les travailleurs agricoles et leurs familles qui subissent la plus forte exposition aux pesticides
  • par inhalation, cela concerne par exemple les personnes vivant à proximité de surfaces agricoles
  • enfin, par voie orale via des résidus présents sur les aliments ou dans l’eau

L’ Inserm a publié une revue systématique de la littérature de plus de mille pages qui explique les liens qui existent entre l’exposition aux pesticides et certaines populations exposées aux pesticides. Deux groupes de personnes sont particulièrement concernées, d’une part les agriculteurs d’autre part les femmes enceintes et leur fœtus. Pour ces deux groupes, il y a une présomption forte de lien qui existe. Une présomption forte cela signifie qu’il y a au moins une méta-analyse de bonne qualité qui confirme un lien entre une maladie et l’exposition aux pesticides.

Pour le milieu professionnel ces maladies vont être des maladies cancéreuses : des cancers solides comme le cancer de la prostate, ou des cancers hématologiques comme des lymphomes ou des myélomes. Mais aussi des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson et enfin des maladies respiratoires comme la BPCO.

Pour les femmes enceintes, l’exposition au pesticide pendant la grossesse va augmenter le risque de problèmes de santé chez l’enfant à naître notamment des leucémies mais aussi des troubles du développement neuropsychologique comme certaines formes d’autisme ou encore des malformations congénitales.

Pour toute une série d’autres maladies il y a une présomption moyenne de lien, cela signifie qu’il y a une ou plusieurs études de bonne qualité qui confirme un lien mais une méta-analyse n’a pas (encore) été réalisée.

Cela concerne les riverains des zones agricoles, ou une présomption moyenne existe pour la maladie de Parkinson, l’autisme, l’asthme ou encore le cancer du sein.

Est-ce qu’acheter bio fait la différence ?

Quelques grands faits sur l’alimentation biologique : 

  • Il y a moins de pesticides sur les aliments biologiques, ce sont des études faites par les institutions européennes qui confirment cela. Et on ingère moins de pesticides lorsqu’on mange bio. En passant à une alimentation biologique, on diminue effectivement la présence de métabolites urinaires excrétés. (5–7)
  • La composition des aliments biologiques est plus bénéfique : Les aliments cultivés en biologique ont une teneur plus favorable en polyphénols, moins de nitrates, de cadmium. La viande, le lait a également des meilleurs taux d’oméga-3. (8–10) Pour l’exemple de la viande, les auteurs de ces études nous amènent à questionner ce qui va réellement impacter la qualité nutritionnelle de nos aliments. L’explication proposée par les auteurs est qu’une pratique agricole biologique entraîne une alimentation différente des animaux (nourris à l’herbe, en pâturage; ce qui est d’ailleurs plutôt benefique pour l’environnement.) Contrairement aux animaux nourris aux céréales et soja. Ce n’est pas juste le zéro-pesticide qui impacte la composition en oméga-3 dans ce cas-ci. Cela illustre bien la complexité des modèles qui sont étudiés.
  • Les personnes qui mangent le plus bio sont en meilleure santé : de nombreuses études différentes montrent que les personnes mangeant une grande proportion d’aliments bio ont moins de facteurs de risques cardiovasculaires, de diabète, moins de problèmes de fertilité, moins de cancers, moins de malformations congénitales, moins de troubles neurologiques chez les enfants…  (6,11–16)

Lorsqu’on étudie les populations qui mangent bio, il y a des facteurs confondants évidents :  un meilleur équilibre alimentaire, une meilleure hygiène de vie, un meilleur suivi de santé, un meilleur soutien social et économique, plus de sport, moins de tabac… Même si ces facteurs sont pris en compte dans les études via des questionnaires poussés sur le rythme de vie. Malgré tout, le design de ce type d’études observationnelles empêchent d’apporter une preuve formelle, mais peuvent déjà nous donner des indices quant au fait qu’augmenter la part de bio dans son assiette sera a priori bénéfique pour la santé.

Acheter bio c’est aussi soutenir une filière ou les travailleurs ne sont pas contaminés par les pesticides et qui ne contamine pas l’environnement. Indirectement c’est aussi faire un geste au bénéfice de la santé publique.

En conclusion les personnes qui mangent déjà bio sont globalement en meilleure santé et le fait de passer d’une alimentation conventionnelle à une alimentation biologique va diminuer les métabolites de pesticides que l’on a dans le corps. Par contre les implications en termes de santé n’ont pas encore été prouvées.

Pour plus de détails vous pouvez consulter l’article suivant.

Peut-on éliminer soi-même les pesticides sur des produits ? 

Oui, en partie. Il faut savoir que :

  • les pesticides restent globalement sur la peau et pénètrent peu à l’intérieur de l’aliment
  •  ils ont tendance à disparaître avec le temps
  •  il y en a beaucoup moins sur les aliments biologiques que conventionnels. (17,18)

Il y aura donc plus souvent des pesticides sur les fruits et légumes mangés frais, avec la peau, sans transformation, ni cuisson (comme les raisins, les fraises, les tomates ; a contrario du melon ou de la banane, mangés épluchés; ou des pommes de terres pouvant se conserver longtemps). Les résidus sont bien moindres dans les produits transformés comme les pâtes, les jus, les sauces…

On peut donc conseiller de 

  • favoriser le bio pour les fruits et légumes frais, surtout si mangés tels quels avec la peau
  • laver ou éplucher les fruits et légumes s’ils ne sont pas bio

Malgré que ce débat prenne beaucoup de place dans l’espace public, la quantité de pesticide dans l’alimentation est faible comparé à d’autres sources de toxiques dans l’environnement. Le danger se situe plutôt du côté des personnes qui manipulent ces produits. Pour ça, il sera capital d’éviter d’utiliser des pesticides à domicile. En effet on en retrouve dans des produits vétérinaires comme des pipettes anti-puces, dans des produits de jardinage (désherbant, spray anti-insectes…) ou dans des diffuseurs anti-moustiques. plus d’information dans cet article : Pesticides à domicile

Le système de régulation en place est-il suffisant ?

Comparativement aux autres législations, l’Europe à l’un des systèmes de contrôle le plus strict au monde. La grande majorité des molécules prouvées délétères ont été interdites. Les molécules utilisées sont de moins en moins rémanentes et de moins en moins toxiques. Cependant, il faut nommer qu’il y a un immense retard legislatif.

Les pesticides sont évalués via deux types d’études : 

  • les études en laboratoire, avant mise sur le marché, ce sont celles qui mènent à l’approbation ou non de la molécule
  • les études en conditions réelles, qui observent l’impact sur l’environnement et sur l’utilisateur, après mise sur le marché. 

Après la mise sur le marché d’une molécule, il faut donc souvent plusieurs décennies avant de se rendre compte d’un effet délétère grâce aux études en conditions réelles. On est d’ailleurs encore exposés aujourd’hui à des dizaines de molécules toxiques, très rémanentes dans l’environnement (DDT interdit après la guerre, Atrazine interdite depuis 20 ans qui contamine encore les eaux souterraines).

Pour plus d’info

Voici quelques articles complémentaires :

Docteur Coquelicot est un projet de vulgarisation de la Société Scientifique de Médecine Générale . Nous faisons partie de la cellule environnement qui creuse les sujets liants la santé et l’environnement. Si vous avez d’autres questions n’hésitez pas à envoyer un mail à environnement@ssmg.be ou notre équipe se fera un plaisir de vous répondre

Sources

1.           Rigal S, Dakos V, Alonso H, Auniņš A, Benkő Z, Brotons L, et al. Farmland practices are driving bird population decline across Europe. Proc Natl Acad Sci U S A. 23 mai 2023;120(21):e2216573120.

2.           PAN Europe. Pesticides and the loss of biodiversity.

3.           Pawan Kumar, Kumar R, Thakur K, Mahajan D, Brar B, Sharma D, et al. Impact of Pesticides Application on Aquatic Ecosystem and Biodiversity: A Review. Biol Bull. 1 déc 2023;50(6):1362‑75.

4.           Thany SH, Reynier P, Lenaers G. Neurotoxicité des pesticides: Quel impact sur les maladies neurodégénératives ? médecine/sciences. mars 2013;29(3):273‑8.

5.           The 2014 European Union Report on Pesticide Residues in Food. EFSA J. 2016;14(10):e04611.

6.           Baudry J, Assmann KE, Touvier M, Allès B, Seconda L, Latino-Martel P, et al. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk: Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Intern Med. 1 déc 2018;178(12):1597.

7.           Hyland C, Bradman A, Gerona R, Patton S, Zakharevich I, Gunier RB, et al. Organic diet intervention significantly reduces urinary pesticide levels in U.S. children and adults. Environ Res. avr 2019;171:568‑75.

8.           Barański M, Srednicka-Tober D, Volakakis N, Seal C, Sanderson R, Stewart GB, et al. Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops: a systematic literature review and meta-analyses. Br J Nutr. 14 sept 2014;112(5):794‑811.

9.           Średnicka-Tober D, Barański M, Seal C, Sanderson R, Benbrook C, Steinshamn H, et al. Composition differences between organic and conventional meat: a systematic literature review and meta-analysis. Br J Nutr. 28 mars 2016;115(6):994‑1011.

10.         Mie A, Andersen HR, Gunnarsson S, Kahl J, Kesse-Guyot E, Rembiałkowska E, et al. Human health implications of organic food and organic agriculture: a comprehensive review. Environ Health Glob Access Sci Source. 27 oct 2017;16(1):111.

11.         Vigar V, Myers S, Oliver C, Arellano J, Robinson S, Leifert C. A Systematic Review of Organic Versus Conventional Food Consumption: Is There a Measurable Benefit on Human Health? Nutrients. 18 déc 2019;12(1).

12.         Kyriklaki A, Vafeiadi M, Kampouri M, Koutra K, Roumeliotaki T, Chalkiadaki G, et al. Prenatal exposure to persistent organic pollutants in association with offspring neuropsychological development at 4years of age: The Rhea mother-child cohort, Crete, Greece. Environ Int. déc 2016;97:204‑11.

13.         Brantsæter AL, Torjusen H, Meltzer HM, Papadopoulou E, Hoppin JA, Alexander J, et al. Organic Food Consumption during Pregnancy and Hypospadias and Cryptorchidism at Birth: The Norwegian Mother and Child Cohort Study (MoBa). Environ Health Perspect. mars 2016;124(3):357‑64.

14.         Simões-Wüst AP, Moltó-Puigmartí C, Jansen EH, van Dongen MC, Dagnelie PC, Thijs C. Organic food consumption during pregnancy and its association with health-related characteristics: the KOALA Birth Cohort Study. Public Health Nutr. août 2017;20(12):2145‑56.

15.         Kesse-Guyot E, Rebouillat P, Payrastre L, Allès B, Fezeu LK, Druesne-Pecollo N, et al. Prospective association between organic food consumption and the risk of type 2 diabetes: findings from the NutriNet-Santé cohort study. Int J Behav Nutr Phys Act. 9 nov 2020;17(1):136.

16.         Sun Y, Liu B, Du Y, Snetselaar LG, Sun Q, Hu FB, et al. Inverse Association between Organic Food Purchase and Diabetes Mellitus in US Adults. Nutrients. 3 déc 2018;10(12).

17.         Residue behavior of etoxazole under field conditions in Egypt and estimation of processing factors during the production of strawberry juice and purée – PubMed [Internet]. [cité 17 janv 2024]. Disponible sur: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32515641/

18.         Rasmusssen RR, Poulsen ME, Hansen HCB. Distribution of multiple pesticide residues in apple segments after home processing. Food Addit Contam. nov 2003;20(11):1044‑63.