Néonicotinoïdes, le grand manège
8 décembre 2021
Sarah De Munck

Les néonicotinoïdes ont été interdits par l’Union européenne en 2018 pour leurs effets nocifs sur les pollinisateurs et sur la biodiversité en général. Mais l’Europe a prévu une possibilité de prolonger leur utilisation : les Etats peuvent accorder chaque année une dérogation à leurs agriculteurs.

La Belgique a déjà dérogé à cette interdiction en 2019, 2020, 2021 et le gouvernement fédéral vient d’accorder une nouvelle dérogation pour 2022! Les néonicotinoïdes seront donc encore largement utilisés dans les champs de betteraves belges en 2022.

Quelle toxicité ?

Des centaines d’études prouvent pourtant depuis plus de 20 ans la toxicité de ces pesticides pour les abeilles, ce qui a été confirmé par l’EFSA (l’agence européenne en charge de la sécurité sanitaire des aliments).

Parmi les travaux récents, une étude (1) publiée dans la revue Nature démontre que les néonicotinoïdes se comportent comme des perturbateurs endocriniens, en particulier pour les jeunes abeilles et les abeilles d’hiver.

Une autre étude (2) très récente montre que les néonicotinoïdes atteignent la fertilité des abeilles. Leur exposition, même à une seule application d’insecticide, peut avoir des effets persistants sur leur taux de survie et peut réduire la croissance de la population d’abeilles sur plusieurs générations.

De plus, les risques pour la santé humaine sont également présents. Les dernières parutions sont particulièrement inquiétantes : l’une d’entre elles (3) met en avant l’effet potentiel de l’imidaclopride comme promoteur dans le développement du cancer du sein. Une seconde indique que le produit à faible dose peut provoquer un stress oxydatif et des dommages sur l’ADN.

Quatre autres études (4) ont démontré un lien entre une exposition chronique aux néonicotinoïdes et des conséquences développementales ou neurologiques défavorables, l’autisme, des troubles de la mémoire, des tremblements, des malformations du cœur ou encore l’anencéphalie (absence totale ou partielle du cerveau).

Quelles alternatives ?

D’après Nature et Progrès dans leur article, les alternatives existent ! « Les centres de recherche et d’encadrement en Belgique n’ont rien fait au niveau du développement et de la dissémination des alternatives. Au contraire, ils font croire à nos agriculteurs qu’il y a encore un avenir dans la chimie de synthèse, ce qui est faux. C’est l’agriculture sans pesticides, et au mieux biologique, qui représente le futur. Des champs de betteraves bio existent notamment dans le Nord de la France et en Autriche. Nos voisins français, anglais, néerlandais et allemands cultivent leurs betteraves et carottes sans néonicotinoïdes depuis 2018. Pourquoi seule la Belgique ne respecterait-elle pas l’interdiction européenne ? Bien entendu, les alternatives demandent un suivi plus précis des cultures. D’ailleurs, de nombreux agriculteurs ont déjà conduit leur culture de betterave dans ce sens. »

Quel sens ?

La betterave est cultivée soit pour le fourrage (plus rare), soit comme betterave sucrière. La betterave sucrière représente prés de 10% des terres cultivées en Belgique, alors que le sucre pourrait dans l’idéal disparaitre de notre alimentation. Quel est le message politique, en 2021, d’allouer des surfaces agricoles à la production de sucre lorsqu’on sait les recommandations nutritionnelles et l’impact des aliments sucrés sur notre santé ? Quel est le message que l’on transmet quand on connait le coût d’une alimentation riche en sucre et le coût de l’utilisation de ces néonicotinoides ? Quel est le message politique lorsqu’on nous encourage à une alimentation locale alors que les productions belges sont en complète inadéquation avec les recommandation nutritionnelles?

Pour toutes ces raisons, nous demandons au gouvernement belge de respecter le principe de prévention pour réduire les dommages liés aux risques avérés et de mettre fin immédiatement au système des dérogations.

Mesdames et Messieurs les Ministres, le fait de ne pas appliquer le principe de prévention, vous rend coupables:

– du déclin dramatique des pollinisateurs qui menace la sécurité alimentaire mondiale,

– d’atteinte à la biodiversité,

– d’atteinte à la santé humaine.

Par le biais de cette pétition que vous pouvez vous aussi demander l’arrêt des dérogations pour ces pesticides.

Céline Bertrand et Sarah De Munck

(1) Baines, D., Wilton, E., Pawluk, A., de Gorter, M., & Chomistek, N. (2017). Neonicotinoids act like endocrine disrupting chemicals in newly-emerged bees and winter bees. Scientific reports, 7(1), 10979. https://doi.org/10.1038/s41598-017-10489-6

(2) Stuligross, C., & Williams, N. M. (2021). Past insecticide exposure reduces bee reproduction and population growth rate. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 118(48), e2109909118. https://doi.org/10.1073/pnas.2109909118

(3) Caron-Beaudoin, É., Viau, R., & Sanderson, J. T. (2018). Effects of Neonicotinoid Pesticides on Promoter-Specific Aromatase (CYP19) Expression in Hs578t Breast Cancer Cells and the Role of the VEGF Pathway. Environmental health perspectives, 126(4), 047014. https://doi.org/10.1289/EHP2698

(4) Cimino, A. M., Boyles, A. L., Thayer, K. A., & Perry, M. J. (2017). Effects of Neonicotinoid Pesticide Exposure on Human Health: A Systematic Review. Environmental health perspectives, 125(2), 155–162. https://doi.org/10.1289/EHP515