Pas si simple de s’y retrouver en tant que consommateur face aux étals des marchés. Docteur Coquelicot mène l’enquête des fruits et légumes les plus contaminés en pesticides. C’est parti !
Chaque année, l’EWG, Environnemental Working Group aux USA (1), analyse les quantités de pesticides dans des fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle, et délivre ses résultats au grand public. Les « Clean Fifteen » sont les 15 fruits et légumes ayant le moins de résidus de pesticides, alors que les « Dirty Dozen » sont les 12 les plus contaminés.
Quels pesticides dans les cultures maraîchères ?
Un grand principe à garder à l’esprit est l’élimination progressive des résidus de pesticides avec le temps; cela dépend de la demi-vie de la molécule. Selon cette étude (2), 30 jours après la pulvérisation, 95% des pesticides ne sont plus présents sur les produits, ils se dégradent simplement avec le temps, comme le ferait une bouteille de dissolvant ouverte.
En début de culture, se sont principalement des herbicides qui sont pulvérisés, afin de clairsemer et nettoyer les parcelles. Avec la croissance des plantes, ce sont les insectes et les champignons qui peuvent les endommager. Ce qui signifie qu’on retrouve en général moins d’herbicide sur le produit fini, et plus souvent des insecticides ou des fongicides. Les herbicides sont pourtant la catégorie de pesticide les plus utilisés dans le monde, avec comme chef de file, le glyphosate.
Certains pesticides sont plus adhérents que d’autres, par exemple le lavage des pommes (3) ne réduit presque pas les pesticides présents car ils sont collés par une résine sur la peau. Mais en les épluchant, on peut se débarrasser de la majorité des pesticides présents.
Dans le cas des fraises (4), les laver (3 minutes sous le robinet) enlève 50% des résidus de pesticides encore présents. (Rappelons que les fraises sont une des culture les plus exigeantes, avec près de 150kg de pesticides pulvérisé à l’hectare; et qu’elles sont le produit le plus contaminé !)
Pour les oranges (5), les pesticides sont principalement présents sur la peau. Laver l’orange réduit de 50% les pesticides présents. On ne retrouve que 1-5% des pesticides dans le jus d’orange.
Comme règle générale, nous pouvons garder en tête que les pesticides restent principalement sur la peau, sont bien éliminés avec l’épluchage, pénètrent peu dans la chair (à hauteur de 5% en moyenne), et sont quasi inexistants dans les jus (s’ils n’ont pas été pressés avec la peau).
Et alors cette liste ?
Avant le testing, les fruits et légumes sont préparés comme s’ils allaient être consommés (épluchés par exemple), ce qui permet de mieux refléter l’exposition réelle du consommateur. On remarque que les produits les moins contaminés sont ceux qui sont traditionnellement consommés épluchés.
Les « Dirty Dozen » pour l’année 2020 sont :
- Fraises
- Épinard
- Chou frisé
- Nectarines
- Pommes
- Raisins
- Pêches
- Cerises
- Poires
- Tomates
- Céleri
- Pommes de terre
C’est la fraise qui décroche la première place et ce depuis plusieurs années. Plus de 90% des échantillons de fraises, de pommes, de cerises, d’épinards, de nectarines et de choux frisés sont positifs pour deux pesticides ou plus ! Plusieurs échantillons de chou frisé ont montré 18 pesticides différents. En moyenne, les échantillons de chou frisé et d’épinards contiennent 1,1 à 1,8 fois plus de résidus de pesticides en poids que toute autre culture testée.
En Allemagne, en analysant les résidus de pesticides et les régimes alimentaires, ils ont découverts que les épinards sont les aliments qui contribuent le plus à l’exposition de la population aux organophosphates et aux carbamates (6) (deux catégories de pesticides) toute tranche d’âge confondue. Peut-être l’enfant boudant son plat d’épinard avait-il raison depuis le début ? 😀
Passons maintenant au coté réjouissant, la liste des « Clean Fifteen ». Ces 15 aliments contenaient les quantités les plus faibles de résidus de pesticides.
Les avocats et le maïs sucré étaient les plus « propres ». Moins de 2% des échantillons ont montré des pesticides détectables. Et seulement 7% des échantillons de la liste Clean Fifteen contenaient deux pesticides ou plus.
- Avocat
- Le maïs sucré
- Ananas
- Oignons
- Papaye
- Petits pois
- Aubergines
- Asperges
- Chou fleur
- Melon
- Brocoli
- Champignons
- Chou blanc
- Kiwi
- Mangue
On remarque que ces aliments viennent en partie de pays tropicaux, c’est pourquoi dans ma vision globale de l’impact de l’alimentation sur la planète, il m’est difficile de conseiller de consommer ces produits en priorité.
Il est important que chacun prenne conscience de l’engagement économique, écologique et sociétal que représente son alimentation, qui va au delà de la quantité de pesticide présent sur tel ou tel produit.
Quel est l’intérêt des ces listes ?
Il a déjà été démontré qu’une alimentation pauvre en pesticides réduit les concentrations urinaires de pesticides. Cela a donc un impact sur notre imprégnation en molécules chimiques et un potentiel effet sur la santé. Ces liens avec la santé sont bien évalués pour certaines molécules, mais pas pour la majorité d’entre elles malheureusement. Mais attention, ce n’est pas parce qu’il y a moins de pesticides sur ces produits qu’ils sont produits de manière propre.
Le label le plus utilisé limitant l’utilisation de pesticides est le cahier des charges de l’agriculture biologique. Bien évidemment, l’agriculture biologique ne résout qu’une partie infime de la problématique de l’agriculture, celle des pesticides. Le labour, les serres chauffées, les déserts agricoles, l’intensification des cultures, le suremballage, les transports et j’en passe (un agronome décrira cela mieux que moi); tout ça n’est absolument pas « couvert » par un label bio.
Dès lors s’installe un dilemme, quel choix faire en tant que consommateur ? On peut choisir de consommer des produits bio pour sa santé, pour limiter son imprégnation en produits phytosanitaires. Ou alors, on peut s’engager à soutenir une autre agriculture, loin d’être parfaite, et diminuer la consommation de pesticides à l’échelle globale, tout en gardant conscience des limites des cet engagement. Un entre deux, celui de la confiance envers son producteur est parfois le choix le plus confortable. Il n’est probablement pas labellisé bio (cela coûte cher), peut être que certaines années difficile il pulvérisera. C’est le soutien d’une économie locale qu’on choisi la, le choix de remettre l’humain au centre de la production alimentaire.
Les sources de cet article
- https://www.ewg.org/foodnews/dirty-dozen.php
- Fantke P. Variability of pesticide dissipation half-lives in plants. Environ Sci Technol. 2013;47(8):3548‐3562. doi:10.1021/es303525x
- Rasmusssen RR, Poulsen ME, Hansen HC. Distribution of multiple pesticide residues in apple segments after home processing. Food Addit Contam. 2003;20(11):1044‐1063. doi:10.1080/02652030310001615221
- Malhat F, Anagnostopoulos C. Residue behavior of etoxazole under field conditions in Egypt and estimation of processing factors during the production of strawberry juice and purée. J Environ Sci Health B. 2020;1‐7. doi:10.1080/03601234.2020.1775449
- Li Y, Jiao B, Zhao Q, et al. Effect of commercial processing on pesticide residues in orange products European Food Research and Technology = Zeitschrift fur Lebensmittel-untersuchung und -Forschung. A. 2012 Mar;234(3):449-456. DOI: 10.1007/s00217-011-1651-1.
- Boon PE, Van der Voet H, Van Raaij MT, Van Klaveren JD. Cumulative risk assessment of the exposure to organophosphorus and carbamate insecticides in the Dutch diet. Food Chem Toxicol. 2008;46(9):3090-3098. doi:10.1016/j.fct.2008.06.083