Les additifs alimentaires, poisons cachés ?
8 novembre 2020
Sarah De Munck

Parmi les produits alimentaires présents sur le marché en France, 53,8% contiennent au moins un additif alimentaire et 11,3% au moins cinq ! [1]

Voici un graphique qui compare le nombre de produits contenant au moins un additif, classés par catégories d’aliments. [2]Les catégories d’aliments les plus susceptibles de contenir des additifs alimentaires (dans plus de 85 % des aliments) sont les boissons sucrées artificiellement, les crèmes glacées, les sandwichs industriels, les biscuits et les gâteaux.

Classification des additifs

Les additifs alimentaires (et cosmétiques) sont classés en plusieurs catégories, selon leur fonction et leur fameux code E. Nous allons parcourir ensemble cette liste au cours de cet article pour nous aider à mieux les comprendre.

Les additifs ayant le code E100 à E199 sont les colorants, comme leur nom l’indique, ils permettent de modifier la couleur du produit. Certains ont prouvé avoir un impact sur les troubles de l’attention chez les enfants (E102,104,110,122, 124, 129, 211). Grande victoire pour les consommateurs, les produits avec ces colorants-là doivent comporter sur l’étiquette “Attention, ceci peut provoquer des troubles du comportement chez les enfants”.

Autre colorant qui a fait parler de lui dernièrement, le E171 est le dioxyde de titane. Il est utilisé comme filtre minéral dans les crèmes solaires en remplacement des filtres chimiques, il a néanmoins été interdit de l’alimentation depuis 2020… On le retrouve également fréquemment dans les médicaments. Ici, un extrait de la notice du Dafalgan Forte qui contient du dioxyde de titane…

En 2016, une étude conduite par Bettini et al[3], a montré que l’exposition chronique de rats au dioxyde de titane pourrait entrainer des lésions colorectales pré cancéreuses ainsi que des maladies auto-immunes en stimulant une inflammation intestinale chronique. Selon L’ANSES, cette étude met en évidence des effets potentiellement cancérogènes qui n’avaient pas été observés auparavant.

Le colorant caramel E150d, souvent pointé du doigt par les associations de consommateurs, est utilisé dans les cocas, les vinaigres balsamiques. Je n’ai pas trouvé d’études prouvant la toxicité de ce colorant, mais j’ai découvert qu’il contenait du 4-MEI (4-méthylimidazole), un sous-produit qui apparaît durant sa fabrication, suite aux réactions de maillard. Ce 4-MEI, étudié sur les souris, aurait des effets neurotoxiques, cancérogènes, mais également un impact important sur le diabète, en provoquant une hyperinsulinémie et des hypoglycémies, avec hyperplasie des cellules bêta pancréatiques. Il favoriserait également la lipogenèse.[4]

Les E200 à 299 sont les conservateurs. Dans cette famille, on retrouve de manière traditionnelle le sel, le vinaigre (E260)… L’industrie les a progressivement remplacés par les parabènes (E214-215-218-219), les sulfites (E220-229), les nitrites (E249-250)…
Au niveau de leur impact sur la santé : la consommation de nitrites est associée à un plus grand risque de cancer gastrique et de cancer de la thyroïde.[5] Les nitrates semblent quant à eux, sûrs. Les sulfites sont surtout documentés pour leurs réactions allergiques. Et les parabènes sont des perturbateurs endocriniens bien documentés[6].

Pour les effets des parabènes : ils interagissent avec la testostérone, ils diminuent l’expression du cytochrome P19a1 qui est impliqué dans la métabolisation des hormones sexuelles. Ils ont une activité globalement œstrogénique et anti-androgénique. Ils pourraient jouer un rôle dans le développement des ovaires polykystiques ou de l’endométriose !
Ils ont également un effet sur les adipocytes, en augmentant leur taille et leur contenu en acide gras (donc prise de poids), en modifiant l’expression de la leptine.[6]


Suivent ensuite les anti-oxydants, qui permettent de ralentir l’oxydation du produit (le jaunissement des pommes par exemple). La vitamine C (E300), la vitamine E (E307) en sont des exemples sûrs. Comme exemple moins sûrs, citons le butylhydroxyanisole BHA (E320) et le butylhydroxytoluène BHT(E321), qui sont des perturbateurs endocriniens bien documentés (perturbation de l’adipogenèse, neurotoxicité, dysfonction testiculaire,…)[7],[8]

Les additifs peuvent également prendre la forme d’émulsifiants, à partir du E322 avec l’exemple des lécithines, qui permettent de faire tenir des substances aqueuses et grasses ensemble (une mayonnaise par exemple).

Chez la souris et lors d’essais in vitro, les émulsifiants, présents dans les aliments transformés, pourraient perturber le microbiote intestinal, et auraient un impact sur la glycémie, la prise de poids, la quantité de nourriture ingérée (favorisent l’hyperphagie) et ont induit de la stéatose hépatique. [9]

Les E400-450 sont des épaississants et gélifiants. Le E440 est la pectine, épaississant naturellement présent dans les pommes.

Du E450 au 455 et du 540 au 546 ; on retrouve les additifs à base de phosphate. Ils sont à éviter car ils causent des troubles de la minéralisation osseuse, et sont toxiques pour la fonction rénale. [10] Les phosphates sont abondement présents dans les sodas, ou dans les poudres à lever. Ils sont présents dans la viande comme stabilisants lorsqu’un « agent de remplissage » est adjoint au produit (comme lorsqu’on ajoute de l’eau dans un blanc de poulet pour augmenter son poids…)

A partir du 600 au 650, on entre dans la famille des exhausteurs de gout, qui sans avoir de goût propre permettent d’augmenter l’intensité de la perception gustative d’un produit.

On y retrouve le fameux glutamate monosodique, E621. Additif alimentaire très utilisé dans la cuisine asiatique, il peut provoquer le « syndrome du restaurant chinois » aussi appelé le « mal de tête du hot dog », qui est une réaction de type allergique avec rash, maux de tête, urticaire et vertige lors de l’ingestion massive de glutamate.

Plusieurs vielles études, datant des années 1970-1990 ont révélé que le glutamate a un effet toxique sur le développement fœtal. Il a également été associé à l’hypertension, l’obésité et des troubles gastro-intestinaux.[11] Les nombreuses études les plus récentes n’ont pas retrouvé de phénomènes similaires. Consommé en masse dans certains pays et étant fort controversé il fait partie de ces produits qui, malgré avoir été extensivement étudiés, n’ont jamais vraiment prouvé de grand torts.

A partir de E950-1000, on retrouve les édulcorants. Ce sont les substances procurant un goût sucré. Ils sont utilisés en remplacement des « sucres ajoutés ». Ces oligomères sont non digestibles, mais gardent un pouvoir sucrant. Ils se comportent donc comme des fibres alimentaires qui seront fermentées dans le colon, et n’apportent pas de calories supplémentaires.

Ils ont pour rôle de masquer un goût amer, ou de limiter le pouvoir cariogène sans produire d’effet sur la glycémie ou la triglycéridémie. Le mélange de 10 parts de cyclamate pour 1 part de saccharine est courant et masque les arrière-goûts des deux substances.

Ils permettent de réduire l’apport énergétique (souvent modestement, sauf pour les sodas (de 40 à 2 kcal/100ml)). Toutes les études concordent pour dire qu’ils n’ont pas d’effet significatif sur la réduction du poids corporel ni sur les pathologies associées à l’obésité (maladies cardio-vasculaires, diabète…). [12] Il ne sert donc à rien de remplacer le sucre par de l’aspartame pour perdre du poids !

Que du contraire : Les méta-analyses sont nombreuses sur le sujet, et malgré que l’on ne retrouve pas d’effet toxique direct dû à ces molécules[13], de récentes études ont observé que l’utilisation chronique d’édulcorants est lié à une augmentation du risque de développer un diabète de type 2 (étude sur une cohorte de plus de 60 000 femmes tout de même) [14]. Comment une substance qui n’est même pas absorbé peut augmenter le risque de diabète ? Ces édulcorants seraient capables d’altérer le microbiote intestinal, qui a un rôle central dans le développement du diabète, et de favoriser le développement d’intolérance glucidique.[15]

De plus, l’étude d’une cohorte de près de 60 000 femmes enceintes de Halldorsson et al. (2010) rapporte une association statistiquement significative entre la consommation de boissons contenant des édulcorants et la fréquence des accouchements prématurés. Plus particulièrement, les femmes consommant au minimum quatre verres de ces boissons sucrées par semaine ont un risque d’accouchement prématuré augmenté par rapport à celles n’en consommant pas.

Une autre étude, met en doute l’aspartame qui pourrait avoir un effet toxique sur le rein suite à une consommation sur le long terme.[16]

La stévia est une alternative naturelle souvent proposée. Si l’utilisation de la plante entière peut sembler intéressante, les glycosides de stéviols qui en sont extraits ou synthétisés sont finalement des polymères comme les autres. [17],[18]

Les additifs alimentaires sont nombreux et pas toujours dénués de toxicité. Ils se cachent au sommet de la pyramide alimentaire, avec les aliments qu’il est conseillé de consommer avec parcimonie… Le lien entre produits transformés et problèmes de santé a déjà été bien établi (cancers digestifs, diabète, hypertension, syndrome métabolique…) Outre les valeurs caloriques excessives et les apports nutritionnels déséquilibrés ; quelle part prennent finalement les additifs alimentaires dans la survenue de ces pathologies?

La solution ?

Une alimentation pauvre en produits transformés vous évite donc une grande série de polluants. Il n’y a pas de secret ! On priorise les aliments de base simples, comme les légumes, les fruits, la farine, les œufs… On limite au maximum les viandes processées et les repas tout faits dans des barquettes en plastiques. On apprend à décrypter les étiquettes. Et on cuisine les gâteaux, lasagnes et autres plats favoris soi-même !


[1] Eloi Chazelas et al., « Food Additives: Distribution and Co-Occurrence in 126,000 Food Products of the French Market », Scientific Reports 10, no 1 (04 2020): 3980, https://doi.org/10.1038/s41598-020-60948-w.

[2] Chazelas et al.

[3] Sarah Bettini et al., « Food-Grade TiO2 Impairs Intestinal and Systemic Immune Homeostasis, Initiates Preneoplastic Lesions and Promotes Aberrant Crypt Development in the Rat Colon », Scientific Reports 7 (20 2017): 40373, https://doi.org/10.1038/srep40373.

[4] Balakrishnan Rekha et al., « Chronic intake of 4-Methylimidazole induces Hyperinsulinemia and Hypoglycaemia via Pancreatic Beta Cell Hyperplasia and Glucose Dyshomeostasis », Scientific Reports 8 (19 novembre 2018), https://doi.org/10.1038/s41598-018-35071-6.

[5] Zahra Bahadoran et al., « Is Dietary Nitrate/Nitrite Exposure a Risk Factor for Development of Thyroid Abnormality? A Systematic Review and Meta-Analysis », Nitric Oxide 47 (1 mai 2015): 65‑76, https://doi.org/10.1016/j.niox.2015.04.002; Fei-Xiong Zhang et al., « Association Between Nitrite and Nitrate Intake and Risk of Gastric Cancer: A Systematic Review and Meta-Analysis », Medical Science Monitor : International Medical Journal of Experimental and Clinical Research 25 (9 mars 2019): 1788‑99, https://doi.org/10.12659/MSM.914621.

[6] Karolina Nowak et al., « Parabens and Their Effects on the Endocrine System », Molecular and Cellular Endocrinology 474 (15 octobre 2018): 238‑51, https://doi.org/10.1016/j.mce.2018.03.014.

[7] Jiyeon Ham et al., « Butylated Hydroxyanisole Induces Testicular Dysfunction in Mouse Testis Cells by Dysregulating Calcium Homeostasis and Stimulating Endoplasmic Reticulum Stress », The Science of the Total Environment 702 (1 février 2020): 134775, https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.134775; Xiaoheng Li et al., « Effects of Butylated Hydroxyanisole on the Steroidogenesis of Rat Immature Leydig Cells », Toxicology Mechanisms and Methods 26, no 7 (septembre 2016): 511‑19, https://doi.org/10.1080/15376516.2016.1202367.

[8] Ham et al., « Butylated Hydroxyanisole Induces Testicular Dysfunction in Mouse Testis Cells by Dysregulating Calcium Homeostasis and Stimulating Endoplasmic Reticulum Stress ».

[9] « Beyond the Calories—Is the Problem in the Processing? | SpringerLink », consulté le 6 novembre 2020, https://link.springer.com/article/10.1007/s11938-019-00246-1.

[10] Marc G. Vervloet et al., « The Role of Phosphate in Kidney Disease », Nature Reviews. Nephrology 13, no 1 (janvier 2017): 27‑38, https://doi.org/10.1038/nrneph.2016.164.

[11] Subhankari Prasad Chakraborty, « Patho-Physiological and Toxicological Aspects of Monosodium Glutamate », Toxicology Mechanisms and Methods 29, no 6 (juillet 2019): 389‑96, https://doi.org/10.1080/15376516.2018.1528649.

[12] Olivier Bruyère et al., « Review of the nutritional benefits and risks related to intense sweeteners », Archives of Public Health 73 (1 octobre 2015), https://doi.org/10.1186/s13690-015-0092-x.

[13] Bruyère et al.

[14] Guy Fagherazzi et al., « Chronic Consumption of Artificial Sweetener in Packets or Tablets and Type 2 Diabetes Risk: Evidence from the E3N-European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition Study », Annals of Nutrition & Metabolism 70, no 1 (2017): 51‑58, https://doi.org/10.1159/000458769.

[15] Jotham Suez et al., « Artificial Sweeteners Induce Glucose Intolerance by Altering the Gut Microbiota », Nature 514, no 7521 (9 octobre 2014): 181‑86, https://doi.org/10.1038/nature13793.

[16] Mohammad Reza Ardalan et al., « Nephrotoxic Effect of Aspartame as an Artificial Sweetener: A Brief Review », Iranian Journal of Kidney Diseases 11, no 5 (octobre 2017): 339‑43.

[17] Bruyère et al., « Review of the nutritional benefits and risks related to intense sweeteners ».

[18] N. Bueno-Hernández et al., « Review of the Scientific Evidence and Technical Opinion on Noncaloric Sweetener Consumption in Gastrointestinal Diseases », Revista De Gastroenterologia De Mexico 84, no 4 (décembre 2019): 492‑510, https://doi.org/10.1016/j.rgmx.2019.08.001.