Rénover pendant la grossesse, la fausse bonne idée – Les composés organiques volatils et leurs impacts sur la santé
15 mars 2021
Sarah De Munck

Comme expliqué dans ce précèdent article , les composés organiques volatiles sont les principaux responsables des pollutions à l’intérieur de nos foyers. Mais quels impacts sur la santé ont déjà été prouvés ?

Cancérogénicité

De manière général, les COV (propylene glycol, benzène, formaldéhyde…) provoquent des réaction inflammatoires au niveau de l’épithélium du tractus respiratoire. Ces propriétés irritantes sont la source de leur potentiel carcinogène. Le formaldéhyde (largement décrit dans cet article) est présent dans près de 100% des intérieurs en France, et est un cancérigène certain (de classe 1) selon le CIRC.

Pour rappel, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer)  classe les molécules chimiques en plusieurs catégories : la catégorie 1 rassemble les cancérogènes certains, on y retrouve une centaine de molécules au total. La catégorie 2 est divisée en 2a (cancérogène probable) et 2b (cancérogène possible). Concernant la catégorie 3, ce sont les agents inclassables, et la 4 regroupe les molécules probablement non cancérigènes.

Parmis les COV, 4 sont classés comme cancérogènes de classe 1 !

Le formaldéhyde

De nombreuses études décrivent l’activité du formaldéhyde. Il est cancérogène certain au niveau des voies respiratoires avec une hausse des cancers naso-sinusiens pour les personnes les plus exposées. (1) La pollution intérieure au formaldéhyde est également liée à une hausse de l’asthme chez les enfants. (2) Beaucoup d’études ont cherché le lien entre l’exposition au formaldéhyde et des maladies hématologiques telles que les leucémies (3,4) ou le lymphome non-hodgkinien (5), les résultats sont mitigés. Il est également suspecté avoir un lien avec la survenue de cancer pancréatique lors d’expositions professionnelles. (6)

Les impacts sur la santé pendant la grossesse

On se focalise ici uniquement sur les études ciblant les expositions aux COV durant la grossesse.

Dans cette étude (7) rétrospective sur 3600 enfants en Chine, les travaux de rénovation et l’achat d’ameublement neuf pendant la grossesse est associé à une hausse des symptômes de type rhinite (OR = 2.29), wheezing et eczema (OR 4.91) dans les 2 premières années de l’enfant.  

Cette méta-analyse (8) regroupe les études liant l’exposition aux COV et les maladies respiratoires qui en découlent. Et montre un effet sur le déclenchement de l’asthme et de wheezing.

Cette revue de la littérature (9) confirme que les rénovation durant la grossesse ou les moisissures augmente significativement le risque d’allergie chez les enfants. L’exposition à la pollution de l’air extérieur lié au traffic routier durant la grossesse et en postnatal précoce augmente également le risque d’allergies. L’exposition précoce à la pollution atmosphérique extérieure et aux facteurs environnementaux intérieurs joue un rôle important dans le développement des maladies allergiques chez les enfants, et la synergie entre les expositions à l’intérieur et à l’extérieur augmente le risque d’allergie. Ceci soutient l’hypothèse de « l’origine fœtale de l’allergie infantile ».

Dans cette étude de cohorte (10), les auteurs ont mis en lien les travaux de rénovation durant la grossesse, associé à des mesures de COV dans les domicile et la survenue de wheezing chez les enfants à 1 an. Les travaux de rénovation montrant le plus d’association sont les changement de revetement de sol (principalement moquette, PVC et laminé), avec un OR à 5.20 (1.8-15.2) d’augmentation du risque de wheezing traité dans la première année de vie. Ce type de travaux augmentait considérablement les quantité de COV dans les logements. A contrario, l’exposition dans la petite enfance montre moins d’association que durant la grossesse.

L’exposition aux VOC durant la grossesse est également associé à un plus petit poids de naissance, et une hausse des naissances prématurées. (11) Une autre étude de cohorte confirme que l’exposition aux VOC durant la grossesse est associé à une plus faible croissance de poids post natale (12). L’exposition au formaldéhyde durant la grossesse est associée à une hausse du risque de complications de la grossesse de près de 54% (1.54, 95% CI 1.27-1.88, p<0.001), et de fausses couches de 76% (1.76, 95% CI 1.20-2.59, p=0.002). (13)

Une perte de points de score de développement psychomoteur et mental est également observé chez les enfants dont les mères étaient les plus exposées aux COV durant la grossesse (1 750 mères enrôlées dans cette cohorte, TVOC moyen a 284, high exposure Q3 : 374µg/m³) (14)

En pratique

Les pollutions intérieures ont un impact prouvé sur la santé. Les mesures qui permettent de limiter ces pollutions sont simples et économiques.

  1. La VENTILATION

Chaque pièce doit être ventilée au minimum 2×15 minutes par jour. Une ouverture vers l’extérieur en continu est l’idéal si vous être situé loin de zone à grande densité de trafic routier. Dans ces cas particuliers, penser à aérer en dehors des périodes d’embouteillages. (15)

2. La RENOVATION doit être évitée autour de la grossesse. Un minimum de 28 jours doit être respecté entre l’application d’une peinture (même biologique) et l’utilisation de la pièce. La femme enceinte n’applique pas de peinture et ne participe pas à des travaux entrainant des odeurs de solvants (colle, vernis, laque…) durant la grossesse.

3. LA SECONDE MAIN pour le mobilier est favorisée au maximum. Les émissions de COV diminuent drastiquement après 5 à 7 ans.

Conclusion

Vous aurez constaté que quand on s’intéresse aux milieux intérieurs:

• La durée d’exposition peut s’étendre sur une longue période puisqu’en moyenne nous passons plus de 80% notre temps à l’intérieur (crèches, écoles, maison, bureaux, transports, …).

• La qualité de l’air intérieur dépend de plusieurs facteurs : le bâtiment en lui-même, la qualité de la ventilation et de l’aération, les comportements des habitants, les aménagements…

Les polluants sont multiples et les voies de pénétrations sont variées. De plus, les risques ne sont pas équivalents pour les différents polluants. Ils dépendent des caractéristiques du produit. L’effet peut varier en fonction de la concentration, la durée d’exposition, le moment d’exposition (fenêtre de susceptibilité) et de l’exposition à d’autres polluants. Les effets cumulatifs et synergiques des expositions dans l’environnement intérieur sont souvent difficiles à prévoir.

La suite des articles :

·  D’où vient la pollution à l’intérieur de nos logements ?

·  Comment éviter les COV dans les peintures ?

·  Comment éviter les polluants dans son mobilier d’intérieur et son matériel de rénovation? 

Sources

1.            Partanen T. Formaldehyde exposure and respiratory cancer–a meta-analysis of the epidemiologic evidence. Scand J Work Environ Health. févr 1993;19(1):8‑15.

2.            Yu L, Wang B, Cheng M, Yang M, Gan S, Fan L, et al. Association between indoor formaldehyde exposure and asthma: A systematic review and meta-analysis of observational studies. Indoor Air. juill 2020;30(4):682‑90.

3.            Bachand AM, Mundt KA, Mundt DJ, Montgomery RR. Epidemiological studies of formaldehyde exposure and risk of leukemia and nasopharyngeal cancer: a meta-analysis. Crit Rev Toxicol. 2010;40(2):85‑100.

4.            Zhang L, Steinmaus C, Eastmond DA, Xin XK, Smith MT. Formaldehyde exposure and leukemia: a new meta-analysis and potential mechanisms. Mutat Res. juin 2009;681(2‑3):150‑68.

5.            Catalani S, Donato F, Madeo E, Apostoli P, De Palma G, Pira E, et al. Occupational exposure to formaldehyde and risk of non hodgkin lymphoma: a meta-analysis. BMC Cancer. 23 déc 2019;19(1):1245.

6.            Collins JJ, Esmen NA, Hall TA. A review and meta-analysis of formaldehyde exposure and pancreatic cancer. Am J Ind Med. mars 2001;39(3):336‑45.

7.            Norbäck D, Zhang X, Tian L, Zhang Y, Zhang Z, Yang L, et al. Prenatal and perinatal home environment and reported onset of wheeze, rhinitis and eczema symptoms in preschool children in Northern China. Sci Total Environ. 6 févr 2021;774:145700.

8.            Alford KL, Kumar N. Pulmonary Health Effects of Indoor Volatile Organic Compounds-A Meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health. 7 févr 2021;18(4).

9.            Lu C, Norbäck D, Li Y, Deng Q. Early-life exposure to air pollution and childhood allergic diseases: an update on the link and its implications. Expert Rev Clin Immunol. août 2020;16(8):813‑27.

10.         Franck U, Weller A, Röder SW, Herberth G, Junge KM, Kohajda T, et al. Prenatal VOC exposure and redecoration are related to wheezing in early infancy. Environ Int. déc 2014;73:393‑401.

11.         Bergstra AD, Brunekreef B, Burdorf A. The influence of industry-related air pollution on birth outcomes in an industrialized area. Environ Pollut Barking Essex 1987. 15 janv 2021;269:115741.

12.         Chang M, Park H, Ha M, Hong Y-C, Lim Y-H, Kim Y, et al. The effect of prenatal TVOC exposure on birth and infantile weight: the Mothers and Children’s Environmental Health study. Pediatr Res. sept 2017;82(3):423‑8.

13.         Reproductive and developmental toxicity of formaldehyde: a systematic review – PubMed [Internet]. [cité 11 mars 2021]. Disponible sur: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21787879/

14.         Chang M, Lee D, Park H, Ha M, Hong Y-C, Kim Y, et al. Prenatal TVOCs exposure negatively influences postnatal neurobehavioral development. Sci Total Environ. 15 mars 2018;618:977‑81.

15.         Vardoulakis S, Giagloglou E, Steinle S, Davis A, Sleeuwenhoek A, Galea KS, et al. Indoor Exposure to Selected Air Pollutants in the Home Environment: A Systematic Review. Int J Environ Res Public Health. 2 déc 2020;17(23).