La contraception et ses alternatives dites « naturelles »: entre mythes et connaissances empiriques, quelles méthodes sont les plus sûres?
20 février 2021
Sarah De Munck

La contraception est omniprésente dans nos sociétés. Entre liberté et dépendance, il est parfois difficile de prendre une position claire. Plutôt que de laisser de côté toutes les femmes qui ne supportent ou ne tolèrent pas les hormones, et les laisser pratiquer un semblant de coït interrompu en croisant les doigts; je pense qu’il est important qu’on en sache tous et toutes un peu plus.

Focus sur les méthodes bien connues

On a donc les méthodes hormonales (stérilet hormonal, pilule, anneau vaginal, patch, injections…), les méthodes non-hormonales et les méthodes naturelles.

Les méthodes hormonales sont les plus médiatisées et recommandées dans nos pays européens. Elles se démarquent par leur simplicité d’utilisation et leur efficacité. Leur efficacité est montrée sur cette figure en nombre de grossesse par an et par 100 femmes qui utilisent cette contraception. Ce pourcentage inclut les erreurs et les aléas du direct tel qu’un oubli de pilule ou un préservatif qui craque.

Les méthodes utilisant un dispositif médical sont classées dans la catégorie « non-hormonale ». On parle alors du stérilet au cuivre (0.8% de grossesse/an), du préservatif masculin et féminin, ou encore du moins connu diaphragme avec le spermicide.

S’il est une chose que j’ai compris ces dernières années, c’est à quel point les contraceptions naturelles sont par contre méconnues des professionnels de santé. Les méthodes naturelles sont celles qui se basent sur la connaissance du cycle, et qui ne nécessitent pas de dispositif. 

Ma très chère et tendre amie le docteur Florence Tallier a eu l’occasion de travailler sur l’efficacité de ces méthodes et de leur place en médecine générale, et les résultats sont plutôt encourageants. On peut voir de nettes différences entre les méthodes, ce qui encourage à se renseigner correctement avant de se lancer !!

Comment fonctionne le cycle menstruel ?

Le cycle menstruel d’une femme dure en moyenne 26 à 32 jours. Le premier jour du cycle est celui du premier jour des règles. L’explication du cycle menstruel se base généralement sur un cycle moyen de 28 jours.1 Cependant restons prudent quant à la définition de ce cycle moyen : 58% des femmes ont des cycles qui varient de plus de 8 jours, et seulement 3% ont des cycles réguliers qui ne varient que de 1 à 3 jours. 1

Le but de l’observation de son cycle est de déterminer le jour de l’ovulation. Pour rappel, si des spermatozoïdes rencontrent un ovule, il y a potentiellement fécondation. Les spermatozoïdes peuvent vivre jusqu’à 6 jours dans les voies génitales féminines. L’ovule, quant à lui, ne survit que 24 heures sans fécondation.

La période fertile est donc limitée aux 6 jours précédant l’ovulation et au jour suivant. Les jours les plus fertiles sont les 2 jours précédant l’ovulation 2. Un rapport sexuel 5 jours avant l’ovulation mènerait à une grossesse dans 4% des cas, tandis qu’un rapport la veille ou l’avant-veille de l’ovulation entraine une grossesse dans 25% des cas.3

Voici pour résumer les jours de changements importants sur une base théorique d’un cycle de 28 jours. 
J1 : début des menstruations 
J9 : apparition glaire cervicale œstrogénique : filante, élastique, translucide
J14 : ovulation théorique 
J15 : augmentation de la température et apparition glaire progestative : visqueuse, épaisse, blanchâtre
J26-32 : derniers jours du cycle théorique

Méthode du calendrier

Les méthodes basées sur le calendrier reposent sur la théorie que l’ovulation aurait lieu le jour de la moitié du cycle. Selon l’étude « New Approaches to Fertility Awareness-Based Methods »2, lors d’un cycle entre 26 et 32 jours, l’ovulation a lieu le jour de la moitié du cycle dans 30% des cas et 95% des ovulations se situent dans les 4 jours précédents ou suivants le milieu de cycle.

On parle généralement du jour 14 car la plupart des cycles se situent entre 26 et 32 jours (nombre de jour moyen 29, 29/2 = 14,5).  Par conséquent, les rapports sexuels sont à éviter du 8ième jour au 19ième jour du cycle.

La méthode des jours fixes peut être utilisée uniquement si les cycles sont généralement compris entre 26 et 32 jours. Si plus de deux cycles par an ne sont pas compris dans cet intervalle, la méthode est à éviter. 3,4

Un collier de cycle, le Cycle Beads, composé de perles de différentes couleurs selon la période du cycle, peut aider les femmes dans les calculs des jours. Les billes de couleur indiquent la phase du cycle : période fertile, période infertile, cycle trop long. 

Indice de pearl : 4,8% grossesse/an en utilisation parfaite contre 11,2% à 14,1% en utilisation  courante.2,5

Peragall. Effectiveness of Fertility Awareness-Based Methods for Pregnancy Prevention: A Systematic Review. Obstet Gynecol. 2018

Méthode de la température basale

Après l’ovulation, la température corporelle augmente. La confirmation de l’ovulation est fixée à une augmentation de 0,2 à 0,5°C persistant pendant 3 jours. La température doit donc être prise chaque matin, avant de se lever, en ayant dormi au moins 6 heures, soit en vaginal, soit en rectal soit en buccal. La température est notée sur un diagramme tout au long du cycle.

Les rapports sexuels non protégés sont à éviter dès le premier jour du cycle et jusqu’au 3ième jour d’élévation de la température.  Sur le schéma ci-dessous, la femme devra éviter les rapports du jour 1 au jour 15. Dès le 16ième jour, les rapports sont autorisés. 

De nombreux facteurs peuvent influencer la température corporelle : la qualité du sommeil, la durée du sommeil, la prise d’alcool, un voyage, un décalage horaire, le stress, une maladie ou la prise de médicament. En cas de fièvre par exemple, la méthode n’est plus fiable. Il est conseillé aux femmes de noter dans le diagramme les changements d’habitudes qui pourraient influencer une variation de température afin de pouvoir détecter une augmentation non liée à l’ovulation.  

Indice de Pearl : 1% en utilisation parfaite contre 9% en utilisation courante 2. (Les résultats extrêmes allant de 6,6% à 25%)5

Méthodes basées sur l’observation de la glaire – La méthode Billings

En période ovulatoire, la glaire est transparente, glissante, étirable (élastique) et humide. Après l’ovulation, elle devient gluante et sèche, voire absente. Chaque jour, la femme observe la filance et l’abondance de sa glaire cervicale. Elle peut l’observer via les sécrétions sur la culotte, sur le papier, via les sensations d’humidité à la vulve. L’OMS recommande de les observer tout au long de la journée. Selon l’OMS, 93 % des femmes sont aptes à différencier le mucus fertile et infertile quel que soit leur niveau d’éducation. 4

Les rapports sont à éviter dès l’apparition de la glaire cervicale humide et jusqu’à 3 jours après sa disparition. Dans 48% des cas, le dernièr jour de la glaire de meilleure qualité correspond bien à l’ovulation (vérification échographique)6. Les rapports peuvent être repris le 4ième matin après la disparition du mucus filant. En période pré ovulatoire, l’abstinence est nécessaire un jour sur deux pour permettre l’observation de la glaire sans l’interférence du sperme. 

Indice de Pearl : 3% de grossesse/an en utilisation parfaite contre 3 à 22% en utilisation courante.

Méthode symptothermique

Débutée en 1949, cette méthode est basée sur une double vérification de la période fertile. Elle combine la méthode de la température basale et celle de l’ovulation. Les rapports sont permis en début de cycle et sont évités dès l’apparition de glaire cervicale oestrogénique où 8 jours avant (l’OMS parle de 6 jours) le premier jour d’augmentation de la température lors des 12 derniers mois 2. La fin de la période fertile est marquée par le troisième jour après le pic de sécrétion (le dernier jour où les sécrétions sont transparentes, glissantes, étirables et humides) ou le troisième jour suivant l’augmentation de la température. Si les deux ne correspondent pas, le jour le plus tardif est pris en compte.

Il est conseillé aux femmes de noter leurs observations sur un diagramme : variation de la température, aspect de la glaire mais aussi tension mammaire, changement de rythme de vie, prise de médicaments ou autres changements afin de pouvoir interpréter le plus efficacement possible les changements corporels observés en lien ou non avec leur cycle. 

Les rapports sont permis en période pré-ovulatoire mais il est conseillé de les espacer de plus de 48h afin de pouvoir observer correctement la glaire sans interférence du sperme. La double vérification, « double check », permet une augmentation de la sécurité, et parfois une diminution de l’abstinence par rapport aux méthodes de température seule.

Voici les graphiques proposés par la méthode symptothermique SensiPlan :

Si les cycles sont parfaitement réguliers, l’abstinence sera de 9 jours par cycles minimum pour la méthode symptothermique décrite par l’OMS, 11 jours pour SensiPlan.  

Indice de Pearl : 0,3 à 2% en utilisation parfaite contre 2% en utilisation courante si les patientes sont bien formées. Certaines études montrent un indice en utilisation typique augmentant jusqu’à 20 % d’où l’importance d’une formation appropriée. 5

Quelle contraception barrière du coup pendant les périodes fertiles ? 

On a le choix, mais il faut savoir qu’on ajoute le risque de la méthode barrière, et non plus de la méthode naturelle. La méthode de référence c’est l’abstinence périodique, ou les rapports sexuels sans contact génital. On rappelle que le liquide séminal avant l’éjaculation contient aussi des spermatozoïdes, donc dès que pénétration a priori ->conception.

A ne pas considérer comme une méthode de contraception : le retrait, c’est 27% de grossesse dans l’année. 7

Conclusion

Ces méthodes peuvent donc être fiables si elles sont appliquées correctement, un peu comme les autres contraceptifs. On se doute bien qu’en prenant sa pilule un jour sur deux, cela fonctionne moins bien… il en est de même pour les observations du cycle !


Quelques liens a garder précieusement pour se former et s’informer :
La méthode Billing’s -> C’est par ici
Sensiplan -> C’est par
Symptotherm -> C’est par ici

Sources

1.            Sensiplan. Naturel et Fiable – Le Manuel. Plannind Familial Naturel.; 2020.

2.            Peragallo Urrutia R, Polis CB, Jensen ET, Greene ME, Kennedy E, Stanford JB. Effectiveness of Fertility Awareness-Based Methods for Pregnancy Prevention: A Systematic Review. Obstet Gynecol. 2018;132(3):591-604. doi:10.1097/AOG.0000000000002784

3.            Germano E, Jennings V. New Approaches to Fertility Awareness-Based Methods: Incorporating the Standard Days and TwoDay Methods into Practice. J Midwifery Womens Health. 2006;51(6):471-477. doi:https://doi.org/10.1016/j.jmwh.2006.05.002

4.            Stephen R. Pallone and George R. Bergus. Fertility Awareness-Based Methods: Another Option for Family Planning | American Board of Family Medicine. Accessed February 18, 2021. https://www.jabfm.org/content/22/2/147.long

5.            Tallier F. TFE : Contraception naturelle – accompagnement de patients en médecine générale. Published 2020. Accessed January 15, 2021. https://docs.google.com/document/d/1o50CatYy2qWci5QpfZ7t4NfTu4DNdEUwGmzRqrtF_ks/edit

6.            D. Hassoun. Méthodes de contraception naturelle et méthodes barrières. RPC contraception CNGOF – EM consulte. Published 2018. Accessed February 18, 2021. https://www.em-consulte.com/article/1263537/methodes-de-contraception-naturelle-et-methodes-ba

7.            OMS. Planification familiale – Manuel d’utilisation à l’intention des prestataires de services du monde entier. Published online 2011. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/97943/9780978856304_fre.pdf;jsessionid=7423B9BB6114C573DE1E4977B56E1FEE?sequence=1